Un peu de santé...pour cette nouvelle année !



Je savais déjà que le corps pour une infirmières n'avait pas de frontières... Mais le monde ?
Le diplôme d'infirmière est-il bel et bien le passeport que je m'étais imaginé ?
Il n'est comme tout papier qu'une formalité, ou plutôt un laisser passer...
Les contacts aussi sont le secret d'avancées. Sans Rashmi je n'aurais jamais rencontré Mahabir Pun, sans Mahabir Pun, je ne serais jamais arrivée jusqu'à Nangi.
Mais c'est finalement le dévouement de notre entière personne qui peut nous porter loin...

Le Kathmandou Model Hospital n'a pas été une expérience facile.
Premier plongeon dans un bouillon de culture...


Le barrage de la langue, aussi, a freiné parfois le courant passer...
J'ai du prendre sur moi et ravaler silencieusement cette boule à multiples facettes...
Mais finalement poussée par cette envie profonde, voire viscérale d'exercer mon metier autrement, les portes s'ouvrent, et le partage peut commencer...



Je retrouve les empruntes familières d'un hôpital...
Le blanc des murs et des uniformes, traduisant la transparence des lieux et de ceux qui y soignent.
La hiérarchie d'un petit monde recréé, le fonctionnement d'un service, la danse des charriots, le roulement de tambour des visites des grands chefs...
Les seringues et les aiguilles piquant de la même façon notre peau d'humain et traversant cette chair universelle.
Universel aussi le nom des molécules et des médicaments, les attentes des patients, les craintes des famille, la douleur, les plaies sur le corps, la cicatrisation...
Nous sommes tous faits de la même façon, tous nos corps d'humain qu'il soit recouverts d'une peau blanche, brune ou noire fonctionne de la même manière.
C'est notre ressemblance à tous qui fait que la santé est universelle.
Le matériel peut changer mais l'humain reste.
Je notte tout de même quelques différences entre les uns et les autres, l'hygiène n'a pas les mêmes normes ni les même codes, les stupéfiants sont libres d'accès dans cette malle...




L'oxygène a l'air d'un obus de guerre pret à éclater...
(remarque : le ventilateur que l'on voit dans ce service de réanimation est le même que celui de la poste réanimation de Lariboisière)


Ou encore la lenteur des gestes effectués, le travail exercé sans précipitation, le rapport malade soignant. Les docs et nurses sont sacralisés au Nepal et comme des dieux, ils sont parfois sévères...
L'implication des familles qui lavent, changent les draps, donnent à manger, massent...(on devrait penser plus à ça en France)

Mais mon Diplôme, ou bien mon Karma, ou bien mon Coeur ? m'a poussé encore bien plus loin qu'un hopital dans kathmandou.
Il m'a porté dans ces villages de montagnes où les précieuses connaissance des "healthworkers" dévoués remplacent les docteurs ou infirmières diplômés...

Où la naissance d'un enfant "at home" tient dans cette petite boîte tenant dans ma petite main...
Où l'on croit autant aux pouvoirs des chamans qu'aux pouvoirs des antibiotics




Où l'on pèse les bébés bien nés dans les chaumières en les suspendant à un crochet. Et où l'on laisse les enfants pousser comme des fleurs des champs...Qu'ils sont si beaux ces babous sauvages grandissants...




Quelques compresses et antiseptiques dérobés dans un certain hopital parisien, et finalement arrivés jusqu'ici dans la clinic de Nangi et dans les mains de Rupa...


Voici le simple cahier de nos patients soignés ou écoutés chaque journée...




Et d'autres qu'un coup d'ordinateur permet d'habiller...




Finalement ce diplôme m'a permis d'entrer dans des contrées inespérées...



"Premier récit d'une infirmière sans lumière"

"Round House, un jour de novembre.
Première journée vraiment seule à Nangi, Dr Saroj et Guiness sont partis ce matin...
Début de projet dans la clinic, visite du kinder garden puis ce soir premier repas improvisé dans cette cuisine d'un autre âge...
Pensant la journée se finissant, je souffle sur le poël allumé par les professeurs...
Mais Rupa arrive pour me dire qu'il faut aller soigner un homme tombé d'un arbre.
Je ne peux pas dire "d'urgence "car je pense que ce mot n'existe même pas dans la langue népalaise...
Nous passons par la clinic remplir un baluchon du materiel que l'on juge nécessaire...
La nuit est bien tombée, nous partons grossièrement équipées vers cet homme tombé d'un arbre.
J'ai l'impression de m'éloigner de plus en plus des habitations, mais après une bonne heure de marche, une lumière au loin me dit qu'il doit finalement y avoir une famille.
Nous y arrivons dans cette maison de terre.
L'homme est bien là, allongé parmis les femmes de sa vie, autours du feu.
Le lait des vaches bout et leur présence dans la pièce nous réchauffe.
Il a une cheville cassée, l'autre trés enflée. Un massage au diclofanac et deux bandages bien serrés et élastifiés seront mes premiers soins.
Je prend aussi le temps de desinfecter chaque plaies éparpillées à l'aide de ma frontale pendant que le repas, juste à côté, mijote...
Du riz au lait, un peu de dal (soupe de lentilles) et des pommes de terre cuites à la braise.
D'autres femmes arrivent, 3 puis 6 , nous arriverons au final à a peu près 15 personnes tenant en tailleurs dans cette pièce devenue si petite et enfumée...
On me dit que ce sont des voisins ... Mais où sont leurs maisons ??
Les femmes sont si vieilles, je me demande par quel miracle elles se déplacent encore dans ces chemins qu'il m'est difficile d'emprunter.
Chacune veut me montrer son problème. Elles ont toutes au final les genoux tout arthrosés...
Mais que faire pour elles si ce n'est de les écouter ?
On me dit qu'une jeep doit arriver pour emmener "l'homme" à l'hopital de Pokharra...
Mais nous sommes la nuit, au milieu de nulle part et Pokharra est à des années lumières...
Nous descendons tous ensemble la pente abrupte menant à la route de la jeep.
Comme une descente aux flambeaux, chacun équipé de sa lampe.
Le blessé est porté à dos d'hommes se relayant assez souvent...
L'unité entre les hommes est bien là dans cette nuit de novembre.
Nous faisons des pauses, regardant sur la montagne d'en fâce les lumières de la civilisation avancer vers nous.
Je rentrerai donc en jeep de cette première escapade médicale, rassurée que l'homme aille quand même à l'hôpital... avec un concombre gigantesque en guise de cadeau et un "thank you sister" que je n'oublierai pas... "